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Mémoire de geste

par Ada Loueilh
Numéro 2, « Itinéraires, trajectoires »
poème

c’est un geste qu’il a 

de son père ouvrier  

une attitude retrouvée  

dans les cafés de Rabat  

en 1963 

 

depuis, chaque heure où il se sent à l’étroit 

il se sert son café dans un verre 

à l’orée de sa salle de classe il se serre 

il rattrape ses mots  

Averroès, Adorno 

 

le savoir n’est pas un spectacle  

il est une infinité de points sur la carte 

 

c’est une habitude qui la tient  

à l’instant où elle cale son dos 

au fond du fauteuil  

qui a voyagé avec elle  

de 2 pièces en studios  

 

elle déroule les bobines  

de bleu nuit, de fil marine 

 

le rituel de ses tantes, de sa mère  

porté en boutonnière 

d’une lignée de tailleurs  

balayée dans un parfum de dernière heure 

vers d’aléatoires ailleurs 

 

gardant pour seul souci 

le bagage de ne pas faire un pli 

 

c’est une saveur donnée 

par une voisine venue de Chine 

qui déposait les soirs de lune chagrine 

devant sa porte  

des plats d’omelette et de riz 

 

avec pour règle d’or une cuillerée  

de sucre pour quelques tomates cuites 

 

parfois aux heures d’exil trop longues 

la voisine dressait la table  

de papier journal 

de baguettes, de bols 

et l’invitait à fuir 

 

dans un bouillon de cébettes 

et de fleur de sel

elle aimerait revenir  

à ce goût de levure  

de plantes charnues 

qu’elle avalait le temps de pauses suspendues

dans les cuisines gardées 

 

de riches demeures suisses 

pendant les vacances des hôtes 

 

elle dînait alors de pain  

et de cénovis 

parce qu’il lui semblait trouver 

face à la vue d’argent 

son humeur  

 

astringente  

comme un thé d’altitude  

 

il a cette façon de faire  

quand il boit il arrose le sol  

la terre, le trottoir des rues  

cet élan 

il ne l’explique pas 

 

simplement il a cet air 

d’un homme revenu du désert 

 

en nous la mémoire se tisse 

de qui nous avons été 

des fils qui nous fixent 

errants dans le monde 

en même temps que liés 

 

nos petites manies 

le mystère de nos goûts 

sont la couture invisible 

qui rappelle que  

nous ne sommes  

 

pas d’un seul bloc 

ni d’un même lieu

Avant La première ligne
Après Emprise

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    • Numéro 1, "Pouvoir, pouvoirs, contre-pouvoirs"
    • Numéro 2, « Itinéraires, trajectoires »
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